Avant d'effectuer l'exposition de ses sculptures Les folles d'enfer, Mâkhi Xenakis a exploré les archives de l'hôpital de la Pitié - Salpêtrière. C'est après une immersion dans ces documents, qu'elle a écrit ce livre sur le sort des femmes enfermées dans ce bâtiment durant les XVII, XVIII et XIXème siècles.
Xenakis écrit comme elle sculpte. Sa mise en page est très aérée, sans ponctuation. La page est animée de grappes de mots séparées d'espaces et d'interlignes. Il fallait laisser venir les présences, les fragments de vie. "Une absence de structure d'assistance érige l'indigence en symptômes psychiatriques" (Yannick Riva, "La ronde des folles", p. 23). Non seulement, on fait une confusion entre vieillesse et aliénation mais on enferme aussi tous ceux et celles dont on ne veut plus, dont on ne sait que faire : prostituées, protestantes, orphelines, homosexuelles, etc. La Salpêtrière devient le plus grand lieu d'enfermement des femmes. On ne traque pas seulement "la dangerosité", on enferme les conflits (la femme accumule les interdits, à la ségrégation sexuelle s'ajoute la ségrégation sociale).
Les journées en 1692 sont organisées scrupuleusement par un règlement, quart d'heure après quart d'heure (dès 5h du matin), têtes rasées contre la gale et les poux, et toujours la même nourriture : pain-potage-eau...
Ces présences, Mâkhi Xenakis nous les fait voir de manière sensible en retranscrivant scrupuleusement des registres qu'elle a consultés, une litanie de noms de femmes avec leur prénom, leur âge, la date de leur entrée, la raison de leurs internements (raisons multiples et parfois arbitraires).
Il ne faut pas oublier également que Colbert peuple ses colonies avec les femmes de la Salpêtrière.
La loi de 1838 va donner la possibilité de se substituer à la volonté d'autrui : 80 % des hommes seront à l'origine des internements.
De nouveau Yannick Ripa : "[...] il existe une folie vue du dehors et une folie vécue du dedans. L'écart entre les deux est occupé par une folie tue."
En 1822, Géricault va visiter régulièrement la Salpêtrière avec le médecin Georget car il a peur de devenir fou comme ses ancêtres. Il peindra 5 tableaux de monomanes dont celui que je vous propose sur ce blog.
Mâkhi Xenakis, Les folles d'enfer de la Salpêtrière, Actes Sud, 2004
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire