Chemins de sable est le titre de l'essai de Chantal Thomas. Ce livre est né, au hasard des cafés, de conversations avec Claude Plettner. Dès l'avant-propos, Chantal Thomas prévient qu'il n'est pas question pour elle de se "glisser dans l'armature d'une théorie préfabriquée". Il y a dans ce texte ce qui vient d'elle et ce qui a été suggéré par Claude Plettner, "une écriture flottante", du "parlé-écrit". C'est un petit livre, plaisant, optimiste qui se lit rapidement.
J'ai décidé de ne pas prendre dans l'ordre ce qui m'a marqué mais au contraire de les assembler à ma façon.
L'un de ses tableaux fétiches est la fillette à l'oiseau mort d'un anonyme du XVIè siècle
Ecoutez (bien sûr, il faut cliquer)
Ensuite vient Pierre Bonnard qui a séjourné plusieurs mois à Arcachon (là où Chantal Thomas a passé son enfance). Elle décrit ce tableau : ""C'est un tableau de la plage à marée basse, ou plutôt d'un fragment de la plage. Celle-ci est vue de tout près, dans sa couleur, sa substance unique [...] Grâce au beige doré, légèrement ombré, de sa palette, il rend à merveille la couleur du sable (Bonnard a le génie du jaune [...] Bonnard observe le rivage au plus près, avec le regard de l'enfant, à sa hauteur, attentif à sa moindre flaque, à tout ce qui se dessine sous nos yeux et nous enchante pourvu que nous soyons capables de cette vision microscopique." (p.131-132)
Elle n'aime pas les images pieuses mais plutôt les excès, délires, lubies à la Jérôme Bosch, à la Bruegel où pour l'époque contemporaine à la David Nebrada.(Bon, là j'avoue mes limites, la photographie d'un corps tailladé m'horrifie).
Quelques extraits parsèment le texte comme la lettre de Voltaire à Madame du Deffand : "Je crois, toute réflexion faite, qu'il ne faut jamais penser à la mort. Cette pensée n'est bonne qu'à empoisonner la vie. La grande affaire est de ne point souffrir, car pour la mort, on ne sent pas plus cet instant que celui du sommeil[...] n'y songeons donc jamais, et vivons au jour la journée. Levons-nous en disant : "Que ferai-je aujourd'hui pour me procurer de la santé et de l'amusement ? (Lettre du 18/11/1761) ou la remarque du prince de Ligne dans ses Mémoires : "Il ne tient qu'à moi d'être vieux. J'ai de quoi. Mais j'ai dit : je ne le suis pas, et cela me réussit. On peut s'empêcher au moins d'être un vieillard : c'est la paresse du corps et de l'esprit qui la constitue. Tant pis pour ceux qui s'y laissent aller. Je me dis aussi : je ne veux pas mourir. Je ne sais pas comment cela réussira." (p.106)
L'aveu de Marguerite Yourcenar dans "Les yeux ouverts" : Je ne me sens aucun âge. De temps en temps, je constate que je n'ai pas la force que j'avais il y a vingt ans, mais c'est une infirmité qui aurait pu se produire aussi bien quand j'en avais quarante : j'aurais pu avoir une sciatique ou une insuffisance cardiaque à cet âge aussi bien qu'aujourd'hui. Autrement non, aucun âge. Si c'est un âge quelconque, c'est plutôt l'enfance ; l'éternité et l'enfance" (p.26)
Celui de Kafka, dans son journal : "Violente averse. Mets-toi face à la pluie, laisse ses rayons de fer te pénétrer, glisse dans l'eau qui veut t'emporter, mais ne bouge pas, reste droit et attends le soleil qui va couler à flots, subitement et sans fin". (p.66)
J'ai appris avec surprise qu'elle avait réalisé des entretiens avec Susan Sontag pour l'émission "À voix nue" sur France-Culture. Cette dernière a été enterrée au cimetière Montparnasse le 17 janvier 2005. Son ouvrage posthume "Garder le sens mais altérer la forme" est toujours dans ma liste de livres à lire.
© Susan Sontag par Annie Leibovitz
Voilà, je vous laisse faire votre propre fricassée en lisant ce livre.
Chantal Thomas , Chemins de sable, Ed. Points essais
1 commentaire:
Profonde réflexion.
Et j'ai le livre de Susan Sontag sur la photographie, elle-même très belle sur cette photo.
Merci pour ces lignes.
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