France-Culture, le 17 septembre 2005, l'émission "Du jour au lendemain" a vingt ans.
Alain Veinstein, l'intervieweur chuchote, une auditrice écoute attentivement et note.
L'auditrice est prise en flagrant délit lorsqu'elle entend que le livre "l'intervieweur" n'était pas un témoignage autobiographique, comme certains critiques l'ont écrit. Ah bon ! Qu'avait-elle écrit sur le forum de zazieweb lors de l'apparition de ce livre qu'elle avait lu ?
"Ce livre annoncé comme un roman est incontestablement une autobiographie. C'est l'expérience des interviews quotidiennes de l'auteur. Nous sommes à la Maison de la Radio et particulièrement dans le studio de France Culture. A. Veinstein place son métier au centre de son texte mais laisse apparaître malgré tout sa vie privée. Il y a des pages superbes sur la solitude de celui qui interviewe, sur la peur, sur le silence, sur le fait de s'entendre comme un autre.
C'est un texte d'une étrange beauté mais qui laisse malgré tout mal à l'aise."
L'auditrice perplexe n'est pas vraiment convaincue.
Pour les vingt ans de cette émission, A. Veinstein aurait pu faire un best-of mais comment choisir parmi les 4200 entretiens ? C'était impossible. Veinstein a choisi un exercice périlleux, se raconter, sans élever la voix comme d'habitude, le genre "confidence sur l'oreiller" dit-il pince-sans-rire.
Il est conscient que l'accumulation de ses émissions révèle aussi les manques : ceux qu'il n'a pas eu le discernement d'inviter mais aussi ceux qu'il s'obstine d'ignorer car savoir s'étonner, c'est aussi savoir rejeter.
L'auditrice applaudit
Comment est née cette émission ? En 1985, Veinstein présentait de 7h à 8h30, "Au goût du jour" mais à la fin du printemps, accident, hospitalisation et mort de "notre" enfant, raconte t-il. (l'auditrice entend très bien ce "notre" qui ne met pas la femme entre-parenthèse). À partir de ce moment A. Veinstein se retrouve devant l'impossibilité de continuer la radio. Lors de la rentrée de 1985, il suggère au directeur de France-Culture, une tranche jusqu'alors inexploitée de minuit à une heure du matin mais en tant que producteur. La personne qui devait présenter l'émission s'appelait Roudoudou et sévissait à ce moment là sur Radio-Nova. Oui, mais il n'est pas question de s'appeler Roudoudou sur France-Culture. Le directeur de la chaîne lui demande de changer de nom, le dénommé refuse et quitte l'émission du jour au lendemain. Du coup, l'entretien est repris par Veinstein lui-même. Celui-ci insiste sur les affres auxquelles il doit faire face. Il se sent pétrifié de terreur et doit écrire mot à mot toutes ses questions. Cette peur ne l'a jamais quitté.
D'après lui, "du Jour au lendemain" n'est pas une émission littéraire car la parole est plus importante que les livres.
L'auditrice de rajouter en son for intérieur, "et le silence" car c'est la seule émission où on peut entendre le silence et les auteurs ont le temps de réfléchir avant de parler.
Alain Veinstein décrit ensuite sa bibliothèque avec les piles de livres en double file, des piles sur le sol et enfin quelques expulsions vers la maison de campagne.
L'auditrice regarde autour d'elle et découvre le même paysage de livres en double rangées qui commencent à se répandre dans toute sa maison. Oui, Alain Veinstein c'est rassurant une bibliothèque débordante de livres.
Dans ses entretiens, il tente de faire coller des morceaux mais aussi de prendre le chemin des écoliers car rien de plus exaspérant que les discoureurs, les spécialistes, les coqs beau parleur. En fait, il pose assez peu de questions car il ne faut pas envahir l'espace. Il cherche plutôt à perturber la trajectoire, redistribuer les cartes, quitte à passer pour un idiot en mettant en avant des choses apparemment sans importance.
Pas étonnant que certains auteurs sont morts de trouille. ils préparent eux aussi leurs interventions, ont leurs petits papiers et hop la question que l'on n'attendait pas, qui désarçonne.
Il considère l'effacement indispensable à ce qu'il fait ; ne pas enrober la parole dans des phrases.
En conclusion de cette émission, A Veinstein est malgré tout assez pessimiste. Nous sommes dans une période de restrictions, broyée par l'édition qui n'annonce rien de bon. L'indifférence gagne du terrain, les réserves de paroles vives sont bâillonnées par les conventions, mais il n'est pas question pour lui de rendre les armes et de devenir routinier, de se laisser corrompre.
Il conclut : "Demain est une autre nuit".
Depuis que j'ai écrit ceci donc en 2005, l'émission a changé. Il me semble qu'Alain Veinstein est plus présent, pose plus de questions. Je le trouve même un peu plus chaleureux avec ses invités mais attention "demain est une autre nuit".
2 commentaires:
Si demain est une autre nuit, aujourd'hui est au soleil de minuit, soit tout au plaisir de vous relire...
Merci Jean-Emile. J'espère pouvoir continuer.
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