vendredi 7 décembre 2007

La sortie

Un vieil homme, philosophe, se retrouve par inadvertance à la porte de son appartement. Les clefs sont restées à l'intérieur. Il monologue tout au long du récit.

" Je me disais : je suis à la porte, mais de quoi ? Suis-je expulsé de ma sphère domestique ? Et aussi : suis-je à la porte du Lieu où je dois me tenir ? Je suis à la porte de mon Habitation. Et je me mis, comme on pouvait le supposer, à réfléchir à tous ceux qui, pour des raisons et dans des circonstances diverses, se trouvaient, pour un temps ou pour très longtemps, de manière comique ou dramatiquement, tenus hors de leur maison. Les sans-domicile-fixe, par exemple, comme on désigne pudiquement ceux qui n'ont pas de domicile du tout, dont on considère à tort qu'ils élisent domicile pour un temps aux abords puants et crasseux de la gare du Nord, entassés par grappes informes, dans des relents empestés d'urine et de vin, dans une déchéance qui serait intolérable à la bête la plus misérable. Oui, ils ont bien des matelas, rongés par la vermine, des couvertures rigidifiées par la saleté et des effets devenus personnels au hasard d'une poubelle fouillée et éventrée ; ils ont bien une place et ont l'air de se délimiter un chez soi, si misérable, soit-il ; mais en réalité, ils ne sont nulle part, ils ne sont en aucun lieu, aucun lieu ne leur est propre, ils n'occupent plus aucune place, ils n'occupent pas même leur propre corps, rongé, défiguré, brisé et finalement incontrôlé (p.37-38).

Mais en définitive n'est-il vraiment qu'en dehors de chez lui, n'est-il pas plutôt en dehors du monde contemporain ?

" Et l'absence non seulement de générosité, mais de toute qualification morale, l'absence criante des fondements rudimentaires de la moralité, me confirmait le degré alarmant de la bassesse qu'avait atteint l'humanité par le fait même que cette humanité était désormais non seulement livrée à la logique du monde économique, mais véritablement construite, recréée par lui. (p.58)
" [...], c'est cela la fin du monde : que nous ne nous voyions plus du tout les uns les autres."

Ce livre de Vincent Delecroix se lit rapidement mais pose les questions essentielles

" Vous voyez la philosophie veut comprendre, saisir le sens du monde dans lequel nous sommes, pas maîtriser ou expliquer ce monde. Quel sens a t-il pour nous ? Comment existe-t-il pour nous ? Et quand on pose des questions, de véritables questions, on laisse apparaître ce sens dans la question elle-même, vous comprenez ? Ou plutôt le sens se fait, il se fait dans la question ; le monde n'existe que dans les questions qu'on lui pose ; c'est cela, comprendre." (p.72)

Vincent Delecroix, À la porte, Ed Gallimard, 2004

3 commentaires:

Anonyme a dit…

http://fr.youtube.com/watch?v=JU_5KSLBBac#

VOLONTAIRE

Emotions censurées, j'en ai plein le container
J'm'accroche aux cendriers et j'm'arrange pas les maxillaires
Sélection rythmique, sélection d'combat, effets secondaires
C'est elles, séquelles, c'est tout c'qui me reste de caractère

Têtes brûlées, j'ai plus qu'à m'ouvrir le canadair
N'essayez pas d'm'éteindre, ou j'm'incendie, volontaire
Volontaire!

A l'analyse, il ressortirait que j'suis pas d'équerre
Vol de nuit sur l'antarctique, j'attends la prochaine guerre

Jamais d'escales, jamais d'contacts avec l'ordinaire
Perdus la boussole, le compas : erreur volontaire
Volontaire!

Frôler des pylônes, des canyons
Et frôler l'éphémère

Si tu touches, si tu t'crashes,
tu rentres dans le légendaire

Réalité, réalités, punition exemplaire
Si c'est pour jouer les fugitifs, moi j'suis volontaire
Volontaire!

Amaryllis a dit…

Je ne connaissais pas ce clip, Bashung et Cantat en même temps !

Anonyme a dit…

texte puissant, en plus