samedi 5 avril 2008

Elle danse

Marcel Moreau la surnomme la pythonisse de l'absurde.
La première fois que je l'ai rencontrée, elle ressemblait à un oiseau tombé d'une branche qui se demandait comment se comporter sur cette drôle de terre. Elle sautillait d'une jambe sur l'autre, l'œil inquiet mais avec un air déterminé. Elle a commencé à parler de sa manière de travailler, posé des questions sur les desiderata de chacun et chacune et j'ai compris très vite que je voulais travailler avec elle. Au départ, je n'ai pas voulu lire ses livres. Et puis je me suis lancée dans son premier ouvrage, Un serpent de fumée. J'ai refermé le livre, un point d'interrogation au-dessus de la tête. Une écriture étrange mais qui pousse en avant. On s'arrête très souvent, mais que veut-elle dire ?
J'ai choisi de me frayer une voie par l'intermédiaire de la préface de Marcel Moreau : "On se demande où elle va. Avec ses mots en loques, ses pansements d'un instant, ses bruits de cicatrices, son piano à trous. On se demande d'où il vient, où il va, ce verbe d'en bas, d'en dedans [...] Cette écriture boite du langage. Elle se jette, tordue ou oblique, dans le goulet du Sens, où lui est promise la révélation, promesse tenue... On croit qu'elle boite, mais en somme elle danse [...]".
Oui, elle danse l'écriture de Gwenaëlle Stubbe et du coup difficile de l'attraper, de la canaliser. Hors-norme, elle est, hors-cadre, elle restera.

Extrait :
"Sous l'impulsion d'un seul mot, d'un seul, faire surgir des cataractes. D'abord, il fallait l'épurer, l'aseptiser. Ensuite, il fallait la répétition, la relance des mots qui laisse tanguer nos têtes, celle qui se forge dans le retour. C'était même un retour espéré, déjà su par tous, déjà bouclé par la foule. On savait que le charroi s'arrimait à l'anneau, que nous étions un cortège de rats, traînaillant, comptant l'écartement des jambes. Un seul mot ressortait, coriace comme sorti du ventre d'un homme ivre, de ces mots qui ont du mal à s'extraire, de ces mots loques qui s'enfoncent dans les langues de sable."


Gwenaëlle Stubbe / Camille De Taeye, Un serpent de fumée, Éd La Pierre d'Alun, 1999

Je vous invite à écouter quelques très courts textes sur Arte-radio

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