lundi 3 mars 2008

Venus Khoury-Ghata

Les Obscurcis


A l’étroit dans nos cages
Nous écrivons sans bouger la main
Les mots qui nous font défaut pris dans les livres désaffectés
Meurs si tu veux disons-nous à celui qui a effacé ses contours
Mais réveille-toi avec le coq qui clame le jour trois strates plus haut
Les passants qui nous empruntent nous disent clos sur de grandes insatisfactions
Ils sont ceux qui crient
Nous sommes ceux qui écoutent
Nos colères brèves comme feu de résineux nous survivent
Nous échangeons nos impressions avec d’autres obscurcis consignés dans
Nos cahiers
Sans nous déplacer
Jambes écartées telle maison construite sur un fleuve
Comment nous suivre alors que nous progressons un pied dans l’eau
Un pied sur la berge
Nous glissons glissons avec la planète
Nous maigrissons pour nourrir les cloisons faméliques de notre chair
Personne n’a le bras assez long pour ouvrir à l’air souterrain qui frappe
Aux murs
Personne n’a l’énergie pour préparer la mue de trépas à vie
Personne n’a localisé le passage prohibé
Les nouveaux venus repeints à neuf nous interrogent sur ce qu’ils ont
Laissé derrière eux
Au lieu de nous dire ce que nous sommes devenus
Nous dire si nous sommes mouillés ou secs
Vagues ou précis
Ils rient de nous voir si maigres alors qu’ils perdent du poids à
Chaque inclinaison de la planète
Quand le dessus devient dessous entraînant l’horizon et le linge sur des cordes
Draps ou linceuls qu’importe
Les nostalgiques cherchent leur forme dans leurs vêtements disloqués
Ignorant que le chagrin ne retient pas le lin
Et que des jardiniers vigilants plient dans le même sens chair et écorce
Les rêveurs attendent la saison des lucioles pour copuler
Le rien pénétrant le rien
Nous nous emboîtons
Feignons des coïts
Et que les austères s’enterrent de leurs propres mains sachant qu’ils le sont déjà
Et qu’il n’y a pas plus mort qu’eux
Drap ou linceul qu’importe

Nous nous limons pour ne pas éveiller la méfiance de ceux qui nous prennent pour
Des instruments émettant le même son osseux
Pour des caisses de clameurs maniées par le vide
Alors que nous pataugons dans nos étuis
N’accusant personne de la restriction de nos mouvements
Devenus plus casaniers que les chevaux
Plus farouches qu’il surgit d’un caillou
Frappant nos poitrines du poing lorsqu’une pierre dévale la pente
Les bruits à trois dimensions nous sont interdits
Seul le rectiligne et l’étale nous sont permis
Drap ou linceul qu’importe

Venus Khoury-Ghata

Le Printemps des poètes

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