dimanche 4 novembre 2007

Le canapé rouge

Le livre de Michèle Lesbre, Le canapé rouge est intimiste et mélancolique.
Oui mais "la douce mélancolie que je défends n'est jamais triste, elle n'est qu'une modification du plaisir dont elle emprunte tous les charmes… Elle donne je ne sais quelle teinte de grand et de frappant à une perspective sauvage, à une forêt solitaire" (p.143). C'est une des phrases (ici de Mme Roland) que la narratrice Anne lira à Clémence sur son canapé rouge.
Anne voyage dans un train qui la conduit à Irkoutsk : "Voyager avait toujours signifié tenter un lien aussi ténu fût-il avec le monde, écarter ce qui se faufilait entre lui et moi, les distances, les langues, le racisme, les religions, des obstacles qui ne s'effaçaient pas toujours mais donnaient du sens. Ce qui rendait celui-là singulier, c'était l'impression de ne rien approcher, d'être dans l'effleurement, prisonnière de mes angoisses, étrangère dans le regard des autres" (p.90).
Durant ce voyage, tout la ramène en pensée à Clémence, cette vieille femme qui n'a jamais quitté Paris et avec qui elle sent beaucoup d'affinités. "Elle aimait beaucoup les baisers écrits, ces lettres que Kafka nommait ainsi, qu'il envoyait poste restante et que Milena retirait sous le nom de madame Kramer. Nous avions passé de longues heures à les lire, à lire les chroniques, tout ce temps nous rapprochait davantage et je me souviens fort bien du jour où j'avais choisi ces quelques lignes, Petite fille, je vivais dans la folle attente de la vie. Je croyais qu'un jour, brusquement, la vie allait commencer, s'ouvrir devant moi, comme un lever de rideau , comme un spectacle qui commence. Il ne se passait rien et il se passait des quantités de choses, mais ce n'était pas ça, on ne pouvait pas dire que c'était la vie, et il faut croire que je persiste à être une petite fille car je continue à attendre cette vie qui va venir." (p.103)
Anne, je me rends compte maintenant que Michèle Lesbre a déjà donné ce prénom à son personnage central dans La petite trotteuse, son avant-dernier livre dans lequel sourdait déjà une vive mélancolie.
"... je pensais à ce que Robert Walser avait écrit à un ami, J'aime la vie, mais je l'aime parce que j'espère qu'elle me donnera l'occasion de la jeter dignement par-dessus bord" (p.145)

Lire également la rêverie de Denis Grozdanovitch sur ce livre

Michèle Lesbre, Le canapé rouge, Sabine Wespieser éditeur, 2007


3 commentaires:

Anonyme a dit…

http://laquinzaine.wordpress.com/2007/10/12/la-quinzaine-litteraire-est-de-nouveau-en-deuil/
hors sujet mais avant que le vent n'efface les esquisses de traces sur le sable des livres : Anne Thébaud s'est jetée à la Seine
(lire aussi le blog de PAssouline)

Anonyme a dit…

Pour le lien avec la Quinzaine et le déépart d'Anne Thébaud

Calou a dit…

Très beau livre, ce "Canapé rouge"... j'aime tes citations, elle remettent en mémoire ce livre lu à sa sortie et tout revient, comme par enchantement, c'était un beau voyage, merci.