mercredi 19 novembre 2014

Valérie Rouzeau

Je découvre juste aujourd'hui une conférence avec Valérie Rouzeau à la BNF qui a eu lieu au mois d'octobre. L'intervenante est Christiane Veschambre
à voir Ici 


Si j'avais les jours à compter je marquerais soir après soir mes petites croix de récompense
Je tiendrais mes mois des saisons mon calendrier de forçat mon agenda de pénélope
Ça ne me ferait ni chaud ni froid juillet janvier en solitaire je traverserais les années
Si grand amour était en vue où à revenir quel beau jour je l'appellerais mon cher Ulysse et puis je choisirais la danse plutôt que la tapisserie
Je blouserais les mauvais génies en faisant jazzer mon seul coeur 
Je mettrais mon chagrin en boîte avec un jeu de mots facile
Je tanguerais l'éternité pour en découdre avec les nuits tchatchatchatcherais jusqu'au matin dans une autre histoire aussi vraie si j'avais quoi de l'espoir

Valérie Rouzeau , Va où, éd Le temps qu'il fait , 2002, page 39

dimanche 24 novembre 2013

Étranger à soi même

© Sylvie Blocher Adam et Eve

C'est par l'intermédiaire du film de Claire Denis l'intrus que j'ai pris connaissance du livre du même nom de Jean-Luc Nancy dont elle s'est inspirée. Je mentionnerais ce film dans une autre partie.

Il faut d'abord préciser que ce texte a été édité la première fois dans la revue Dédale pour un numéro sur "la venue de l'étranger".
L'intrus est un récit autobiographique. Quel est l'intrus ? Le nouveau cœur de Jean-Luc Nancy. Ce dernier a dû subir une transplantation cardiaque et c'est en tant que philosophe qu'il va traiter de la question. L'étymologie du mot intrus est" introduit de force », et c'est la première ligne du livre : "L'intrus s'introduit de force, par surprise ou par ruse, en tout cas sans droit ni sans avoir été admis. Il faut qu'il y ait de l'intrus dans l'étranger, sans quoi il perd son étrangeté". Jean-Luc Nancy le précise, accueillir l'étranger, c'est éprouver son intrusion. Le premier intrus, est son propre cœur qui défaille, qui ne remplit plus sa fonction, "par réjection, sinon par déjection". Il faut donc l'extruder. Ceci n'est plus de l'ordre de la révolte ou de la résignation Cette non reconnaissance de soi que l'on connaît déjà par l'extérieur comme un miroir, des photos anciennes ou le regard de l'autre, est là vécu en dedans. Cela devient une inédéquation de soi à soi. "On n'est, très vite qu'un flottement, une suspension d'étrangeté entre des états mal identifiées, entre des douleurs, entre des impuissances, entre des défaillances" (p. 39)
Avec les médicaments immuno-dépresseurs (pour éviter le rejet) la qualité de la vie est complètement "mise sur un autre registre".



Le film de Claire Denis : "Je voyais d'abord deux parties, un film en deux parties, comme les deux valves du coeur. Les deux hémisphères, le nord et le sud. Le passage de l'équateur n'est pas anodin, même aujourd'hui (voyages rapides etc.). Pierre Chevalier, qui après Beau travail, m'avait offert de retravailler pour Arte, a alors suggéré deux épisodes de deux fois une heure. Ensuite, en travaillant avec Jean-Pol Fargeau, je me suis rendu compte qu'il manquait une pause, le limbo, le moment où Trébor renaît avec le second coeur et là, j'ai pensé que ça pourrait être à Pusan en Corée du sud." Dans le scénario, les trois parties étaient clairement séparées, comme l'explique Claire Denis : "Longtemps, j'ai tenu sur cette idée-là et puis quand je suis arrivée à Pusan, le hasard a fait que le premier jour de tournage, la neige est tombée, il n'avait pas neigé à Pusan depuis 15 ans. Pusan venait justement après le Jura et la neige. C'était comme un lien naturel avec l'hémisphère nord." C'est ainsi qu'elle a décidé que les trois parties seraient imbriquées, et non pas distinctes. La cinéaste parle du Haut-Doubs, dans le Jura, une région qu'elle connaît depuis l'enfance et où elle a tourné la première partie de son film : "(...) j'ai eu une tante là-bas (...) elle travaillait dans une usine de montres. Les deux petits lacs, les hauts sapins, la forêt très dense qui empiète sur la Suisse. C'est un ancien territoire de contrebande. Les douaniers ne peuvent qu'attendre à leur poste. L'hiver très froid, l'été hors des routes... Quelqu'un qui se cache, qui vit en reclus, c'est bien là. Je pensais à cela, enfant, j'avais peur de croiser des solitaires, des chasseurs, des hommes seuls avec des fusils..." Certaines scènes (que la réalisatrice qualifie d'"appendice de la première partie") ont été tournées à Genève, une ville qui évoque "la banque, le guichet. Et la montre." Jean-Luc (Nancy) m'avait dit un jour que changer de coeur, c'était comme changer de montre, le bruit, le tic tac n'est pas le même." La sauvageonne est le vieux coeur, le coeur probable, celui qui ne manquera à personne, Katia Golubeva l'ange de la mort, mais aussi le passé russe de Trébor, etc. Chaque plan est issu de sa pensée, de son regard, ou de son pressentiment."

jeudi 3 octobre 2013

Renaissance

À un certain moment le rire s'éteint et la mâchoire se verrouille. Je suis donc passée du côté des images et je me gave de colle. Vous pouvez donc me retrouver :  ici
J'enlève petit à petit certains écrits qui seront postés ailleurs

lundi 13 février 2012

Voilà, c'est dit

Serge Letchimy, interroge le premier ministre, sur les propos de C. Guéant (séance des questions au gouvernement, Assemblée Nationale, 7 février 2012)


M. le Premier ministre,

Nous savions que pour M. Guéant, la distance entre « immigration » et « invasion » est totalement inexistante, et qu’il peut savamment entretenir la confusion entre civilisation et régime politique.
Ce n’est pas un dérapage !
C’est une constante parfaitement volontaire !
En clair : c’est un état d’esprit et c’est presque une croisade!
M. Guéant, vous déclarez, du fond de votre abîme, sans remords ni regrets, que «toutes les civilisations ne se valent pas». Que certaines seraient plus « avancées » ou « supérieures » à d’autres.

Non, M. Guéant, ce n est pas du bon sens» !
C’est simplement une injure faite à l’homme !
C’est une négation de la richesse des aventures humaines !
Et c’est un attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisations !

Aucune civilisation ne détient l’apanage des ténèbres ou de l’auguste éclat !
Aucun peuple n’a le monopole de la beauté, de la science, du progrès, et de l’intelligence !

Montaigne disait que « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition ».
J’y souscris.
Mais vous M. Guéant, vous privilégiez l’ombre !
Vous nous ramenez, jour après jour, à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration, au bout du long chapelet esclavagiste et colonial.
M. Guéant le régime nazi, si soucieux de purification, si hostile à toutes les différences, était-ce une civilisation ? La barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ?
Il existe, M. le Premier Ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque que vous tentez de récupérer sur les terrains du Front National.

C’est un jeu dangereux et une démagogie inacceptable.
Mais, il en existe une autre vision : celle de Montaigne, de Montesquieu, de Condorcet, de Voltaire, de Schœlcher, de Hugo, de Césaire, de Fanon, et de bien d’autres encore !
Une France qui nous invite à la reconnaissance que chaque homme,...

M. Letchimy est alors censuré par le président de l’Assemblée.

Voici la fin de son intervention...

Une France qui nous invite à la reconnaissance que chaque homme,dans son identité et dans sa différence, porte l’humaine condition, et que c’est dans la différence que nous devons chercher le grand moteur de nos alliances !

Alors M. le premier ministre : Quand, mais quand donc votre ministre de l’intérieur cessera t-il de porter outrageusement atteinte à l’image de votre gouvernement et à l’honneur de la France ?



Un lien
cliquez

samedi 4 février 2012

Wislawa Szymborska

Gare

Ma non-arrivée dans la ville X
a eu lieu ponctuellement.

Je t'avais averti
par une lettre non envoyée.

Tu n'es pas venu à temps
exactement comme prévu.

Le train est arrivé quai trois.
Beaucoup de gens sont descendus.

L'absence de ma personne
suivit la foule jusqu'à la sortie.

Quelques femmes m'ont remplacée
rapidement
dans cette marche rapide.

L'une d'elle a été accueillie
par quelqu'un qui m'était inconnu,
mais elle l'avait reconnu
immédiatement.

Ils ont vite échangé
un baiser qui n'était pas le nôtre
Suite à quoi on a égaré
une valise qui n'était pas la mienne.

La gare de la ville X
a réussi l'examen
de l'existence objective.

Le tout bien planté à sa place.
Les détails se mouvant dans l'ordre
sur des rails désignés à l'avance.

Même le rendez-vous
avait bien eu lieu.

Sans que puisse l'atteindre
Notre présence.

Au paradis perdu
de la probabilité.
Ailleurs. Ailleurs.
Quelle musique dans ce mot.

Wislawa Szymborska in De la mort sans exagérer, 1957

mercredi 14 décembre 2011

Maintenant j'ai grandi

Source




Maintenant j'ai grandi

Enfant,
j'ai vécu drôlement
le fou rire tous les jours
le fou rire vraiment
et puis une tristesse tellement triste
quelquefois les deux en même temps
Alors je me croyais désespéré
Tout simplement je n'avais pas d'espoir
je n'avais rien d'autre que d'être vivant
j'étais intact
j'étais content
et j'étais triste
mais jamais je ne faisais semblant
Je connaissais le geste pour rester vivant
Secouer la tête
pour dire non
secouer la tête
pour ne pas laisser entrer les idées des gens
Secouer la tête pour dire non
et sourire pour dire oui
oui aux choses et aux êtres
aux êtres et aux choses à regarder à caresser
à aimer
à prendre ou à laisser

J'étais comme j'étais
sans mentalité
Et quand j'avais besoin d'idées
pour me tenir compagnie
je les appelais
Et elles venaient
et je disais oui à celles qui me plaisaient
les autres je les jetais

Maintenant j'ai grandi
les idées aussi
mais ce sont toujours de grandes idées
de belles idées
Et je leur ris toujours au nez
Mais elles m'attendent
pour se venger
et me manger
un jour où je serai très fatigué
Mais moi au coin d'un bois
je les attends aussi
et je leur tranche la gorge
je leur coupe l'appétit

Jacques Prevert dans le recueil La pluie et le bon temps, éd Gallimard

lundi 12 décembre 2011

Gérard Garouste



"un fou n'est pas quelqu'un qui a perdu la raison, mais quelqu'un qui a tout perdu sauf la raison" (p. 122)

"L'artiste le mieux vendu aujourd'hui s'appelle Jeff Koons, il a commencé trader à Wall Street, il a su digérer Duchamp et l'objet comme oeuvre d'art, Warhol et l'immersion de l'art dans la société de consommation, son atelier a tout d'une entreprise et il n'a aucun complexe à dire qu'il s'intéresse plus aux prix de ses oeuvres qu'à ses oeuvres elles-mêmes. Il est le gagnant d'une époque faible, soûlée de télévision, d'argent et de performances où le métier d'artiste est très prisée. "Chômeurs ! devenez artistes contemporains", écrit Ben. "L'art c'est l'espace qui existe entre mes doigts de pieds", clame-t-il aussi. Mais il faudra toujours des gens qui peignent, qui sculptent, écrivent loin du système, sans détester le passé, la rigueur et les régles de l'art, sans renoncer à la sincérité et à l'émotion que notre époque éteint ou détourne à force de surenchère." (p.159)

"Si le fou dérange, je veux que le peintre dérape"(p.179).

"C'est quand on sait nager qu'on peut sauver l'autre de la noyade, j'avais appris, je n'étais plus à la merci de la vie, peut-être juste de la folie. J'ai pensé monté une association [...](p.189)

© Gérard Garouste La certitude du fou



Gerard Garouste avec Judith Perrignon, L'intranquille: autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou, éd. L'Iconoclaste, 2009

mercredi 7 décembre 2011

Parfums

© Catherine Willis




"Et si, faute d’embarquements immédiats, l’échappée belle pouvait parfois s’esquisser au sein même de nos maisons calfeutrées l’hiver, ouvertes au vent nocturne l’été ? Et si le tapis volant de ces voyages immobiles était tissé de vanille, ourlé de fèves tonka, doublé d’orcanette friable ? Et si les courants d’air parfumé, nés d’un écran de vétiver, nous emportaient vers un ailleurs, dans un temps non plus linéaire mais cyclique ? Joncher, pour le plaisir de la plante des pieds, un sol d’herbes odoriférantes, frotter la paume des mains d’onguents anisés, brûler sur des pelles de bronze rougies au feu les racines rugueuses de l’angélique, goûter aux saveurs âcres et pourtant lumineuses du safran, reviendrait alors à passer des douanes inconnues. “La même vie, avec les mêmes”*, par la grâce d’expériences odorantes, prend alors des allures bigarrées, abrite parfois un joueur de ney ou une tribu entière de Pygmées Aka de retour de la chasse, a souvent goût de lointains bleutés. La quête de l’origine des parfums nous relie au monde des bazars et des zénanas, à celui des forêts et des temples. Des rituels olfactifs, dépassant le seul désir de séduction, scandent alors autrement la vie quotidienne. Il faut, de toute façon, commencer par un pas de côté."

*Je dois cette expression à Nicolas Bouvier

CATHERINE WILLIS. (2000)

mardi 6 décembre 2011

Beauté

Un peu de beauté dans ce monde qui en manque terriblement. Mais de quoi, elle nous parle encore celle-là, après nous avoir intimer de nous taire ?
Hé bien de ceci. Vous avez cliquer ? Alors ? Vous vous taisez ? C'est bon signe!

samedi 1 octobre 2011

Sabine Bourgois


7 ans après Une autre que moi, Sabine Bourgois revient avec un autre livre Les unités édité par Un comptoir d'édition

vendredi 12 août 2011

Sophia de Mello Breyner Andresen

Source




VILLE

"Ville, rumeur, va-et-vient incessant des rues,
Ô vie souillée, hostile, inutilement gâchée,
Savoir qu'il existe la mer et les plages nues,
Des montagnes sans nom et des plaines plus vastes
Que le vaste des désirs,
Et moi je suis ta prisonnière et je ne vois
Que les murs et les façades, et je ne vois
Ni la montée de la mer, ni les changements de lune.

Savoir que tu t'es emparée de ma vie
Et que tu traînes à l'ombre de tes pierres
Mon âme qui fut promise
Aux vagues blanches et aux vertes forêts."

Sophia de Mello Breyner Andresen, La Nudité de la vie, L'Escampette p. 16.

mardi 9 août 2011

Pessoa



Je m'éveille la nuit subitement
et ma montre occupe la nuit tout entière.
Je ne sens pas la Nature au-dehors.
ma chambre est une chose obscure aux murs vaguement blancs...
Au-dehors règne une paix comme si rien n'existait.
Seule cette montre poursuit son petit bruit
et cette petite chose à engrenages qui se trouve sur ma table
étouffe toute l'existence de la terre et du ciel...
Je me perds quasiment à penser ce que cela signifie,
mais je m'arrête net, et dans la nuit je me sens sourire du coin des lèvres,
parce que la seule chose que ma montre symbolise ou
signifie
en emplissant de sa petitesse la nuit énorme
est la curieuse sensation d'emplir la nuit énorme
avec sa petitesse...

Poesies d'Alvaro de Campos avec gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro in Poésie/Gallimard p.96