lundi 14 juillet 2008

Raoui



Le conteur, c’est Aziz Chouaki.
J’ai d’abord découvert un de ses textes mis en scène par Nabil El Azan, au Théâtre International de Langue Française, au parc de la Villette (devenu depuis le Tarmac de la Villette).
El Maestro est la répétition fictive d’un chef d’orchestre en Algérie. Cet homme a une méthode peu orthodoxe : il entraîne ses musiciens les uns après les autres dans les ruelles de la Casbah, les souvenirs
d’enfance, les bruits, les odeurs.
"Racine carrée de trois aubergines [...] que multiplient sept litres cubes de dix-neuf souvenirs d’enfance démorvée [...] Ah ouais, rajouter à cela quelque chose comme à peu près cinq ou six arcs en ciel bien trempés dans du jus de soleil jaune avec une goutte de..."
Mais cette répétition est troublée par la réalité qui sévit à ce moment là en Algérie, les attentats, les bombes, la venue intempestive des forces spéciales de sécurité.
El Maestro, lui, tel un Don Quichotte des temps modernes continue vaille que vaille. Est-il fou, insconscient ? Pour moi, non, ce sont ses rêves, son imaginaire qui lui permettent de rester debout et de survivre.
"Et demain, ça va être quoi ?
Bah, on verra bien..."


Le deuxième texte, Les Oranges, est une fable contemporaine. Un homme est à son balcon, il regarde vivre son quartier et commente.
"C’est fou une langue, hein ?! Tu prends un mot, tu le jettes dans les escaliers, il roule tout seul. Comme un œuf, le mot, l’œuf quotidien, qu’on roule, boule dans ses mains, en descendant l’escalier quotidien, roule le mot, l’œuf [...] Il sort dehors, comme un grand, l’œuf, le mot, il en rencontre d’autres, plein plein d’autres, des œufs, des mots, il les épouse, ça tisse des donjons, des princesses aux doigts de rosée, partout, partout !"
On traverse ainsi l’histoire de son pays de 1830, jusqu’à aujourd’hui. Il évoque le début de la conquête de l’Algérie par la France, l’émir Abdelkader, Isabelle Eberhardt, Albert Camus, l’Indépendance, le FLN, le FIS.
Et après ?
"Attendre que le sang sèche, comme l’encre, puis écrire, avec le vent, avec les arbres, des feuilles, des feuilles simples et splendides [...]"
C’est un très beau texte et comme l’annonce dans la préface Nabil El Azan, pour entrer en chouakie, il faut simplement se munir de ses cinq sens.

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