samedi 3 juillet 2010

Laurent Terzieff


"La poésie fait parole de ce qui avant elle, ne l'était pas, et qui par elle le devient.
Parole de ce qui avant elle et sans elle, ne saurait être dit.
Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui existe en dehors de nos représentations, et qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toute chose, même les contraires, jusqu'à nous faire entendre le silence des mots, jusqu'à réconcilier nos rêves de la nuit et le rêve éveillé de nos journées. En visitant le monde à l'intérieur de chacun de nous, elle abolit la coupure originelle entre l'objet perçu et la conscience qui perçoit.
Il en découle que traduire la poésie, c'est prendre le pari de mettre en mots ce qui relève de l'indicible.
Pour y parvenir, il ne faut pas, semble-t-il, chercher à tout prix les ressemblances ou équivalences existant entre deux langues, mais, au contraire, creuser un sillon dans la langue d'accueil, l'irriguer d'un sang nouveau, exalter la différence de ce verbe qui vient d'ailleurs. C'est - pour parler le langage de la photographie - réaliser le négatif de l'œuvre originale.
C'est ce qu'ont merveilleusement réussi , à mon sens, Guillevic avec les grands poètes allemands, Maurice Betz avec Rilke, Nerval avec notamment Henri Heine, Baudelaire avec Poe [...]
Ils ont su retrouver la pureté originelle du mot, son sens primitif qui, au delà du signe devient le regard unique et neuf qui dissipe les brumes de l'habitude, et rend à tout objet visible sa pureté essentielle.
Dans mon travail, en grande partie solitaire, il m'est souvent venu à l'esprit cette exhortation de saint Benoît : "Soyez présents à la psalmodie, de telle façon que notre homme intérieur s'accorde avec notre voix"

Laurent Terzieff

© en haut , photo de Jean-François Bauret

  © Pascal Gely

Un très bel article sur Laurent Terzieff par Gil Pressnitzer ici

1 commentaire:

ptilou a dit…

J'ai le souvenir de l'avoir côtoyé dans le bus il y une trentaine d'année du coté de Nanterre... il allait sans doute aux Amandiers. Grande présence, belle silhouette et fort personnage même sans rien dire...
Je n'avais pas osé le saluer...

RIP, M Terzieff