mardi 30 décembre 2008

Le temps

Les rhododendrons



La façon dont le temps s'en va, vraiment ça me dégoûte.
L'instant qu'on croit vivre on dirait l'avoir vécu déjà,
Et ceux qu'on a cru vivre, qui nous les désagrégea
Si bien qu'il n'en reste qu'une ombre ? On vit coûte que coûte,

Mais où, mais quand, comment, puisque tout ce que l'on ajoute
Est aussitôt soustrait ? À quoi bon poursuivre ? Qu'ai-je à
M'agiter de la sorte ? À me jeter comme un goujat
Sur chaque minute qui passe et me laisse en déroute

Entre une espérance déçue et le prochain regret ?
Je suis sûr cependant qu'il existe un endroit secret,
Jusque dans cette ville où tout sans arrêt change et bouge,

Où le temps s'est mangé lui-même. - Alors nous reviendrons
Pour le trouver peut-être à la Butte du Chaperon Rouge,
En mai sous les massifs éclatants de rhododendrons.

Jacques Réda, La course : nouvelles poésie itinérantes et familières (1993-1998), Gallimard, 1999.

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