Le Phare

On devrait avoir peur de lire Virginia Woolf car l’aventure n’est pas sans risque. Une fois, le livre refermé, notre environnement paraît modifié. En fait, n’est ce pas notre regard sur les choses et les êtres qui a changé ?
Pourtant, de quoi est-il question précisément dans ce livre ? V. Woolf le bâtit sous la forme d’un triptyque (un des personnages est peintre).

Dans le premier tableau, le plus imposant, qui s’intitule fenêtres, la scène se passe dans la maison des Ramsay. C’est en quelque sorte, le paradis perdu, le moment où la mère fait "rayonner" sa présence autour de tous : le repas (autour du bœuf en daube) est donc un moment crucial. Mrs Ramsay est agitée de sentiments contradictoires envers son mari. Elle le vénère et en même temps, il l’agace : ne vient-il pas d’énoncer à son fils d’une manière abrupte qu’ils ne pourront pas faire cette promenade au phare tant désirée par l’enfant ? De quel droit, détruire ses rêves ? Mr Ramsay est décrit comme un homme toujours apitoyé sur lui-même, un rabat-joie dépendant de sa femme. V. Woolf nous révèle pour chaque personnage, une palette d’émotions qui changent à chaque instant. Le roman étudie aussi le problème de la réalité de l’existence. Qu’est ce que la vie ? Comment croire à une factualité extérieure alors qu’elle se modifie par le flux de la vie intérieure ? Il est question également de la création : peut-on être à la fois une femme et une artiste ?

Dans le deuxième tableau, la mort de Mrs Ramsay et de deux de ses enfants est annoncée entre-parenthèses comme si cela n’avait pas d’importance. Par contre, le délabrement de la maison envahie par la nature est décrit avec moult détails.

Enfin dans le dernier tableau, le reste de la famille (le père et deux des enfants) revient pour effectuer cette promenade au phare. Mais le but atteint, l’illusion tombe. James ne reconnaît pas le phare tant souhaité.
Mais après tout, "peut-être fera t-il beau, demain ?"

"Quel est le sens de la vie ? Voilà tout - c'est une question bien simple ; une question qui tend à nous hanter à mesure que les années passent. La grande révélation n'était jamais venue. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottées dans le noir..."


Virginia Woolf, La promenade au phare

Cette note a été écrite pour Zazieweb en 2004. J'ai décidé de la remettre sur ce blog car le journal intégral de cette auteure vient d'être édité. Je signale également que La promenade au phare est proposé sous le titre "Vers le phare", coll Folio/Gallimard dans une nouvelle traduction de Françoise Pellan

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