samedi 14 juin 2008

Triptyque

Commun des Mortels, une exposition de Florence Chevallier. Le titre s’explicite très vite : qu’y a t-il de commun entre les vivants ? La finitude. Après l’exposition Bonheurs, très esthétisée et mise en scène, la photographe désirait renoncer à l’image unique trop porteuse de sens en elle-même. Mais une fois la logique du cadre abandonnée, il fallait reconstruire une autre méthode de travail. C’est sous forme de triptyques verticaux (en opposition à ceux de la peinture qui sont souvent horizontaux) que les photographies sont présentées. On y discerne trois règnes celui du végétal, de l’humain, de l’animal. Les thèmes sont ceux de l’enfance, de la découverte du monde, de la cruauté, de la vie et de son corollaire la mort. Pas de mise en scène dans cette exposition. Florence Chevallier se sert de son appareil (6x6) comme d’une caméra mais sans narration. Toutes les photos représentent le quotidien, le passage des jours et des saisons sous forme de gros plans dont le contexte est gommé. Ce sont comme trois fenêtres qui provoquent des associations brutales, des rencontres inattendues ayant un rapport avec l’inconscient, le rêve mais où le regard et l’affect sont également concernés. La lecture verticale n’est pas bien sûr la seule qui s’impose et chacun peut créer ses propres associations. Cette manière de travailler la photographie comme un film muet avec mouvement et temporalité est passionnante.


"La photographie est indissociable pour moi de l’avènement de la psychanalyse et de l’apparition de l’album de famille. Elle permet d’enquêter sur soi sur sa filiation, sur le monde, ce qui nous relie et ce qui nous sépare. Comment le monde et soi-même interagissent dans une impossible fusion, car le regard distancie notre rapport au monde et à nous même, il révèle et met littéralement sous nos yeux, l’étoffe dont nous sommes faits. Entre élucidation et aveuglement : la forte lumière qui préside aux images que je forme s’accompagne toujours de zones d’ombres protectrices.
Expérimenter par le cadre les limites de nos existences, les frontières entre soi et les autres, la souffrance qu’il y a à ne pouvoir jamais totalement l’atteindre, ni s’atteindre soi même...
C’est une aventure de la psyché humaine que je propose à partir de mon engagement physique et mental au sein de l’acte photographique.
Faire corps avec le médium tout en marquant la blessure, les coupures, les limites qui nous constituent. L’émerveillement lié à la peur, le désir à la perte, l’absence, la solitude creusant les images.
Pas d’image unique rassurante mais toujours l’infini des questions qui s’enchaînent et rejoue la scène différemment au gré de l’avancée dans l’existence. Multiple de soi, la photographie est un instrument solitaire qui dévore, essaie de toucher...y parvient-elle?" Florence Chevallier

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